Ce qu’il faut retenir du Rapport de la Commission de l’Intelligence Artificielle — “IA : Notre ambition pour la France”

La Javaness R&D
5 min readMar 29, 2024

600 auditions, 7 000 consultations et 25 sessions plénières auront permis d’alimenter la réflexion de la Commission de l’Intelligence Artificielle et élaborer son rapport “IA : Notre Ambition pour la France”. Ce rapport était attendu en particulier après les débats suscités par les avancées de l’IA générative.

👩🏻‍🤝‍👨🏼 1. Qu’est ce que la Commission de l’IA ?

La Commission de l’Intelligence Artificielle est un comité créé en septembre 2023. Il comprend des acteurs issus de différents domaines: culturel, économique, technologique et académique. Son objectif est d’éclairer le futur positionnement de la France pour tirer profit des avancées permises par l’IA.

La Commission a rendu son rapport le 15 mars 2024.

📊 2. Que faut-il retenir du rapport ?

Le rapport dresse un constat de la situation de l’IA en France et propose un plan d’action selon six axes et 25 recommandations. La mise en place du plan d’action requerra un investissement public annuel de 5 milliards d’euros pendant cinq ans (0,3 % des dépenses publiques totales)

  • Axe 1 : lancer un plan national de sensibilisation et de formation de la nation
  • Axe 2 : réorienter l’épargne vers l’innovation et créer un fonds « France & IA » de 10 Md€
  • Axe 3 : faire de la France un pôle majeur de la puissance de calcul
  • Axe 4 : faciliter l’accès aux données
  • Axe 5 : assumer le principe d’une « exception IA » dans la recherche publique
  • Axe 6 : promouvoir une gouvernance mondiale de l’IA

Ci-dessous ce qu’il faut retenir des recommandations du rapport 👇

a. Principaux risques identifiés

  • Alors que les Etats-Unies et la Chine ont fait de l’IA une priorité stratégique, la France et l’Europe accusent du retard avec un risque de déclassement économique et de perte de souveraineté. L’évolution de l’économie du numérique est deux à trois fois plus lente en Europe qu’aux Etats-Unis et l’IA suit une trajectoire similaire. À richesse comparable, la France investit trois à quatre fois moins que les Etats-Unis dans l’IA.
  • La concentration technologique aggrave l’inégalité de la répartition des richesses
  • Le développement de l’IA a des impacts négatifs avérés : impact environnemental croissant, violation des droits de propriété intellectuelle, violation du droit à la vie privée, désinformation, cyberattaques, etc.

b. Opportunités pour la France et l’Europe

  • Si le développement de l’IA est encadré et maîtrisé, il devrait:
  • Favoriser la prospérité collective, améliorer les conditions de travail et réduire les inégalités
  • Accélérer l’innovation
  • Avoir un effet globalement favorable sur l’emploi malgré la transformation qu’il engendre
  • L’Europe et la France ont plusieurs atouts à faire valoir pour prendre part à cette révolution, principalement la qualité de ses talents, la qualité de sa formation et le dynamisme de son écosystème IA.
  • L’Europe et la France peuvent encore rattraper leur retard, la chaîne de valeur économique n’étant pas encore arrivée à maturité

c. Propositions de la Commission

Au niveau international :

Mettre en place une gouvernance mondiale de l’IA à travers :

  • La création d’une Organisation mondiale de l’IA pour encadrer les systèmes d’IA. Elle aurait pour objectifs de partager les avancées scientifiques et de définir des normes contraignantes sur les systèmes d’IA
  • La mise en place d’un Fonds international pour l’IA pour financer des initiatives d’intérêt général, avec un budget annuel de 500 M€
  • La mise en place d’un mécanisme de solidarité « 1 % IA » pour les pays en voie de développement.

Au niveau national :

  • Renforcer la sensibilisation et la formation nationale : renforcer l’offre de formation spécialisée en IA et intégrer l’IA de manière transverse dans les autres champs de formation, animer les débats publics et le dialogue social et intégrer l’IA dans le service public
  • Créer un fonds “France & IA” de 10Md€ en réorientant l’épargne
  • Investir dans les capacités de calcul (au niveau national et européen)
  • Repenser la gouvernance de la donnée : faciliter l’accès aux données à caractère personnel et appliquer le principe de transparence aux données d’entraînement des modèles
  • Mettre en place un principe « exception IA » dans la recherche publique : faciliter les démarches administratives pour les chercheurs et valoriser leurs salaires
  • Mettre en place un plan d’action avec un investissement public annuel de 5 Md€ pendant cinq ans (0,3 % des dépenses publiques totales)

🧐 3. Que faut-il en penser ?

La Commission fait bien de rappeler l’urgence de la priorisation politique et de l’investissement public pour essayer de rattraper le retard accusé par la France et l’Europe. Ce nouvel élan doit concerner toute la chaîne de valeur du secteur, de la formation aux infrastructures et aux capacité de calcul.

Sur la formation et l’acculturation en particulier, l’un des bénéfices attendus serait l’amélioration du passage à l’échelle de l’IA. Le manque de compréhension de la proposition de valeur de l’IA et les craintes liées à son adoption constituent un double frein à cet effet.

Si plusieurs recommandations vont dans le bon sens, certaines risquent d’être complexes à mettre en oeuvre ou ne mettent pas en avant certains éléments clés.

Au niveau international par exemple, une gouvernance mondiale pourrait aider à harmoniser les réglementations régissant l’IA (qu’elle soit assurée par une nouvelle Organisation mondiale de l’IA ou au sein d’instances déjà existantes). Son aptitude à fédérer des trajectoires juridiques (et des motivations politiques et géopolitiques) différentes et sa capacité contraignante seront plus difficiles à concrétiser.

Un concept clé qui n’a pas été suffisamment intégré dans la réflexion de la commission est l’IA de confiance. Le rapport mentionne l’utilité de prendre en compte l’impact environnemental et le rapport à la propriété intellectuelle des systèmes IA mais ne place pas l’IA de confiance au centre de sa réflexion. Celle-ci peut devenir l’atout différenciant l’IA en France en Europe (l’IA de confiance est à comprendre dans son sens large: non seulement l’utilisation de modèle IA sûrs, robustes, respectant la vie privée et atténuant la reproduction de biais mais aussi limitant les impacts négatifs environnementaux et sociaux directs et indirects).

Par ailleurs, certaines réserves sont également émises sur la capacité de mobiliser les fonds financiers requis par le plan d’action et la faisabilité des délais définis, notamment sur la formation des formateurs pour développer l’offre nationale de formation.

🤓 4. Et maintenant ?

Le rapport a été rendu au président de la République. Il sera intéressant de voir comment les recommandations évolueront, en particulier suite à la validation par la France de l’AI Act européen juste avant la publication du rapport de la commission.

Remerciements

Merci à nos collègues Agnès Girardot et Lu Wang pour la relecture de l’article

À propos de l’auteur

Après des études en ingénierie et en géopolitique, et des expériences au sein des Nations Unies et en conseil en stratégie, Ismaïl El Hatimi rejoint La Javaness en tant que data scientist en 2020. Parallèlement à ses activités de cadrage et de réalisation de projets en machine learning, il s’intéresse également aux sujets liés à l’IA de confiance et à la géopolitique de l’IA.

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